Les biohackers montrent la puissance de la science DIY

Photo de Vlad Tchompalov sur Unsplash

Traduction de l'article original du Dr Andrew Lapworth au UNSW sur le site The Conversation

Au mois de mars, des scientifiques amateurs de Sydney ont annoncé qu'ils avaient créé un test de dépistage en kit du COVID-19 plus simple, plus rapide et moins cher que les tests existants. Bien que le test n'ait pas encore été approuvé par les autorités réglementaires, s'il est efficace, il pourrait jouer un rôle dans l'extension des capacités mondiales de dépistage de la COVID-19.

Les créateurs du test, associés à un "laboratoire communautaire pour des scientifiques citoyens" appelé BioFoundry, font partie d'un mouvement international croissant de "biohackers" dont les racines remontent à 30 ans ou plus. Le biohacking, également connu sous le nom de "DIY biology", s'inspire de la culture des hackers informatique et utilise les outils de la biologie et de la biotechnologie pour réaliser des expériences et fabriquer des outils en-dehors de toute institution officielle de recherche.

Qui a peur du biohacking ?

Mais le biohacking est menacé car les gouvernements, conscients des risques potentiels, adoptent des lois pour le restreindre. Une approche plus équilibrée est nécessaire, dans l'intérêt de la science et de la société.

Le biohacking a gagné en visibilité et fait l'objet d'une surveillance accrue. La couverture médiatique a mis en avant les risques du biohacking, que ce soit par malveillance (bioterrorisme) ou par accident (bioerreur). Plusieurs gouvernements ont également cherché à légiférer contre cette pratique.

En août 2019, des politiciens californiens ont introduit une loi qui interdit l'utilisation des kits de modification génétique avec le gène CRISPR en-dehors des laboratoires professionnels. L'Australie dispose d'une réglementation parmi les plus strictes au monde, avec l'"Office of the Gene Technology Regulator" qui surveille l'utilisation des organismes génétiquement modifiés et les risques pour la santé et la sécurité publique.

Certaines autorités sont allées jusqu'à arrêter des biohackers soupçonnés de bioterrorisme. Mais ces craintes sont largement infondées...

Ellen Jorgensen, co-fondatrice du laboratoire communautaire Genspace à New York, soutient que de telles réactions surestiment les capacités des biohackers et sous-estiment leurs normes éthiques. Les recherches montrent que la grande majorité des biohackers (92 %) travaillent dans des laboratoires communautaires, dont beaucoup opèrent dans le cadre d'un code éthique élaboré par la communauté en 2011.

Les connaisseurs de la science

On peut comparer les biohackers à ce que la philosophe belge Isabelle Stengers appelle les "connaisseurs de la science". Quelque part entre un expert et un amateur, un connaisseur est capable de se relier aux connaissances et aux pratiques scientifiques de manière informée, mais peut aussi poser de nouvelles questions que les scientifiques ne peuvent pas se poser.

Les connaisseurs peuvent demander des comptes aux scientifiques et les mettre au défi lorsqu'ils passent outre leurs préoccupations. Ils montrent comment la science peut être plus efficace. Comme d'autres activités telles que la musique ou le sport, la science peut bénéficier d'une culture de connaisseurs forte et dynamique.

Les biohackers sont un lien important dans la relation entre les institutions scientifiques et la société au sens large. Isabelle Stengers souligne qu'il ne suffit pas qu'il y ait une relation entre la science et la société, c'est la nature et la qualité de cette relation qui importe.

Une relation à double sens

Les modèles traditionnels de communication scientifique supposent une relation à sens unique entre la science et la société au sens large, les scientifiques transmettant des connaissances à un public qui les reçoit passivement. Les biohackers, au contraire, engagent les gens activement dans la production et à la transformation des connaissances scientifiques.

Les laboratoires de biohacking comme BioFoundry et Genspace encouragent l'engagement pratique dans les biotechnologies par le biais de cours et d'ateliers ouverts, ainsi que de projets sur la pollution environnementale locale.

Les biohackers font également des découvertes qui font progresser notre compréhension des problèmes scientifiques actuels. De la conception de tests de coronavirus à la fabrication d'équipements scientifiques à partir d'objets de la vie quotidienne, en passant par la production Open Source d'insuline, les biohackers remodèlent le sens de l'innovation scientifique. 

Du droit à l'éthique

Si le biohacking peut apporter de grands avantages, les risques ne peuvent être négligés. La question est de savoir comment y faire face au mieux.

Si des lois et des réglementations sont nécessaires pour empêcher les pratiques malveillantes ou dangereuses, leur utilisation excessive peut également pousser les biohackers à se cacher pour bricoler dans l'ombre. L'intégration des biohackers dans les institutions existantes est une autre approche, bien que cela puisse menacer la capacité des biohackers à poser des questions difficiles. 

En plus de la loi, des directives et du code éthique élaborés par la communauté de biohackers, la communauté est elle-même une voie prometteuse pour l'avenir.

Pour Isabelle Stengers, une relation "éthique" n'est pas basée sur la domination ou la capture d'un groupe par un autre. Elle implique plutôt des modes d'engagement symbiotiques dans lesquels les pratiques s'épanouissent ensemble et se transforment mutuellement.

Un équilibre entre le droit et l'éthique est nécessaire. Le code d'éthique de 2011 élaboré par des biohackers en Amérique du Nord et en Europe est un premier pas vers ce à quoi pourrait ressembler une culture de collaboration plus ouverte, plus transparente et plus respectueuse. Aux États-Unis, nous avons assisté ces dernières années à des expériences de relations plus ouvertes et plus symbiotiques entre le FBI et la communauté de biohackers. Mais ce n'est que le début d'une conversation qui risque de s'enliser. Et il y a beaucoup à perdre si elle s'arrête...The Conversation

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